IX année, 1967, Numéro 1, Page 61
Jean Dautun, La relève de l’or, Paris, Editions du Seuil, 126 pp.
Dans ce petit volume, d’une exemplaire clarté, l’auteur examine les problèmes du système monétaire international. L’analyse commence par un exposé du fonctionnement du gold standard : dans le cadre de ce système, comme on le sait, les échanges sont fixes et l’équilibre de la balance des paiements est assurée par la variation des prix et des salaires. La limite de ce système réside évidemment dans le fait que pour atteindre l’équilibre international il peut être nécessaire de recourir à une déflation interne, c’est-à-dire à une réduction de la production et par conséquent du revenu. Dans le système actuel du gold exchange standard, après les accords de Bretton Woods de 1944, les caractéristiques les plus typiques se trouvent dans l’existence, à côté de l’or, de monnaies nationales qui ont une fonction de réserve dans la distribution de crédits aux pays dont la balance des paiements est en déficit temporaire. Le point critique du système c’est qu’étant donné l’insuffisance de l’or en face de l’augmentation continuelle des échanges internationaux, le dollar a pris, par le fait, le rôle de moyen de paiement international le plus important : les liquidités dont le commerce mondial a besoin sont fournies grâce à un déficit permanent de la balance des paiements américaine. De là provient le dilemme qui a fait naître la crise du gold exchange standard : en augmentant le montant des dollars détenus par les banques centrales étrangères, la couverture en or américain diminue, et les Etats-Unis courent le risque d’assister à une diminution de la confiance dans la convertibilité du dollar (le stock d’or détenu par les Etats-Unis s’élevait en 1965 à 14 milliards de dollars, le montant des dollars détenus à l’étranger s’élevait à la même date, à 25,2 milliards) ; d’autre part, si les Etats-Unis adoptaient une politique efficace pour éliminer le déficit de leur balance des paiements, il se manifesterait un manque de moyens de paiement sur le marché international, avec le risque d’une dépression à l’échelle mondiale, provoquée par la réduction des échanges. L’auteur rappelle ici quelques unes des propositions avancées pour la solution de la crise du système monétaire international, il examine en particulier la proposition française d’un retour au gold standard, en en relevant l’aspect inapplicable puisque l’or n’est pas suffisant pour le financement du commerce international. Les propositions tendant à la création d’une monnaie de réserve internationale sont également critiquables, car l’existence d’une monnaie suppose un pouvoir qui la gouverne, ce qui ne peut être actuellement réalisé au niveau mondial. Cette considération vaut aussi bien pour le bancor que pour le Collective Reserve Unit (C.R.U.), que pour le plan Triffin pour la transformation du fond international en une véritable banque centrale au niveau mondial. L’auteur envisage aussi, bien que brièvement, la possibilité de créer une monnaie européenne unique, mais sans analyser le problème au fond. En réalité, une monnaie européenne, soutenue par un marché de dimensions continentales, serait à même de remplacer la livre sterling dans son rôle de monnaie de réserve, en déchargeant ainsi le dollar du poids insupportable du financement de tout le commerce mondial, et en mettant les capitaux européens à la disposition des pays en voie de développement.
La conclusion de l’auteur est également correcte, selon laquelle, au milieu des retards du développement politique supranational de l’intégration européenne, la seule possibilité de résoudre, ne serait-ce que d’une façon provisoire, la crise actuelle, consiste en une extension du pouvoir d’attribution de crédits de la part du Fond Monétaire International, tandis que la solution définitive du problème ne se trouve, peut-on ajouter, que dans la création d’une monnaie internationale régie par une autorité mondiale effective.
Alberto Majocchi