LE FEDERALISTE

revue de politique

 

V année, 1963, Numéro 2, Page 157

 

 

L’ACTION-CADRE DEMARRE
 
AUTRES TEXTES APPROUVES OU DISCUTES
PAR AUTONOMIE FEDERALISTE
 
 
1. — PROPOSITION POUR LA REFORME DU STATUT DU M.F.E.
 
Le statut du M.F.E. qui nous régit actuellement n’est pas du tout satisfaisant tant au point de vue fédéraliste qu’au point de vue de la démocratie interne. Quant à son contenu fédéraliste, l’art. 2 montre qu’il est :
1) Incertain à l’égard de l’aspect de structure du fédéralisme. En précisant que la Fédération Européenne devra avoir un caractère démocratique, il semble admettre la possibilité de structures fédéralistes antidémocratiques. Il s’agit là d’une erreur très répandue, qui provient de la confusion entre deux types d’organisation politique, l’empire multinational et la fédération. Que des non fédéralistes ne connaissent pas le fédéralisme, cela n’est que trop naturel, mais il est de toute évidence absurde que les fédéralistes eux-mêmes se trompent sur leur propre doctrine.
2) Muet à l’égard des aspects de valeur et historico-social du fédéralisme. De cette sorte le fédéralisme se place dans le vide, en dehors de l’histoire et de la société, et ne sert à rien. C’est pourquoi le M.F.E. tourne en rond, en tâchant vainement de trouver une doctrine fédéraliste au-delà de la réalité historique, soit dans la métaphysique, soit dans le passé (gauche nationale, socialisme).
Quant à la démocratie interne du Mouvement elle est bloquée dans presque tous les engrenages fondamentaux de l’organisation. Il suffit de rappeler :
1) Que le choix des délégués au Congrès du Mouvement se fait sur la base des régions, non pas des sections. Il s’agit là d’une sorte d’élection au deuxième degré, d’une affaire entre des notables inamovibles, qui empêche l’établissement d’un lien direct entre la base et le sommet.
2) Que le choix des membres du Comité central par le Congrès lui-même se fait sans aucun engagement politique de la part des candidats, et avec une élection à part, qui n’a rien à voir avec le vote pour le choix de la politique du M.F.E. De cette sorte il n’y a pas de lien entre le Congrès et le Comité central, et ses membres n’assument aucune responsabilité.
3) Que le Bureau exécutif et le Secrétariat général, faute d’une subordination structurelle au Comité central, au lieu de se maintenir dans les limites de leur fonction d’exécution, se trouvent disposer d’une véritable autonomie dans le domaine des choix politiques. Il en découle que le Comité central est privé de son autorité et réduit à une tâche d’enregistrement de décisions prises à son insu, et qu’à tous les échelons la démocratie reste hors du jeu.
Pour renforcer le M.F.E., il faudrait : primo, comprendre la vie, les besoins et les possibilités des sections, car ce sont les sections qui affrontent l’opinion publique et les forces sociales et politiques, et ce n’est qu’à ce niveau qu’on peut accroître le nombre des adhérents et multiplier les cadres ; secundo, calquer toutes les décisions du M.F.E. sur cette réalité. Mais, le lien entre la base — les sections — et le sommet, étant barré trois fois, cette réalité ne peut aucunement se faire entendre au sommet, où les choix concernant la politique, l’organisation et le financement du M.F.E. s’accomplissent dans un vide absolu d’expérience réelle. C’est pourquoi le M.F.E. ne peut jamais sortir de la sclérose et de l’immobilisme, et qu’il reste un mouvement de feux follets, le protagoniste d’une pièce qui en revient toujours au premier acte.
Pour ce qui est de la caractérisation fédéraliste du Mouvement il faut donc réviser sa définition statutaire. Il faut aussi, dans ce but, réviser la dénomination même du Mouvement — Mouvement Fédéraliste Européen — qui, au lieu de mettre l’accent sur le caractère « fédéralisme », le met sur le caractère « européen », contrairement à tout ce qui s’est passé dans les grandes transformations historiques, qui ont toujours mis en évidence leur caractère universel, sans souligner leurs limitations géographiques. Je pense qu’il faudrait le nommer Section Européenne du Mouvement Fédéraliste, et le définir de la sorte :
Le Mouvement Fédéraliste est l’avant-garde consciente du peuple fédéral mondial. Il détermine, dans le domaine théorique, le point de vue qui fait tomber la mystification de notre époque. D’un côté il permet d’apercevoir dans le cours nouveau de l’histoire, poussé par l’interdépendance croissante de l’action humaine au dessus des nations, la naissance de ce peuple fédéral mondial, qui instaurera le règne de la paix et du droit. De l’autre côté il permet de constater que le système des Etats nationaux, qui régit encore l’humanité, n’est que l’organisation politique de sa division, la cause de l’injustice internationale et la racine de la guerre. Il constitue, dans le domaine pratique, l’organisation supranationale de la lutte des forces nouvelles de l’histoire contre les forces du passé accrochées aux Etats nationaux et à leur pouvoir de division, et de la revendication du pouvoir de l’humanité de se donner par elle-même, démocratiquement, son unité.
La Section Européenne du Mouvement Fédéraliste fait partie du Mouvement Fédéraliste. A l’heure actuelle elle est la seule qui soit organisée car c’est seulement en Europe que la contradiction entre la dimension supranationale de l’action humaine et la dimension nationale du pouvoir politique est arrivée à son comble et a déjà libéré des forces supranationales. Son but prochain est la lutte pour le pouvoir constituant du peuple fédéral européen. Son but organique est sa réunion avec les autres sections continentales qui se formeront (formulation provisoire).
Pour ce qui est de la démocratie interne du M.F.E., il faut réviser le statut pour introduire l’élection au premier degré des délégués au Congrès, le choix politique des membres du Comité central, et la subordination structurelle du Bureau exécutif et du Secrétariat général au Comité central. Il faut en outre : a) donner aux sections le caractère de centres de culture et d’agitation de l’opinion publique, pour rendre la base capable de s’élargir, b) donner au Comité central le caractère d’un organe ouvert à toute expérience de base pour rendre démocratique la direction du M.F.E., c) attribuer à la Commission des litiges la compétence dans les cas d’abus de pouvoir pour maintenir tous les organismes du M.F.E. dans les limites de leurs attributions.
 
 
2. — PROPOSITIONS POUR UN FONCTIONNEMENT
DEMOCRATIQUE DES CONGRES DU M.F.E.
 
L’exigence d’assouplir et de démocratiser le fonctionnement du Congrès M.F.E. est sentie par nombre de fédéralistes soucieux d’assurer toutes les libertés démocratiques à l’intérieur du M.F.E.
Ils proposent ces simples mesures, qu’ils présenteront au Comité central et que, si le Comité central ne les accepte pas, ils soumettront au Congrès lui-même :
a) Le bureau de présidence doit être représentatif de tous les groupes actifs au sein du M.F.E. et a le devoir d’assurer le droit de parole à tout délégué qui le désire. Par conséquent il faut : 1) Respecter strictement l’ordre de ceux qui se sont inscrits pour prendre la parole, en le rendant public de manière que tout le monde sache à quoi s’en tenir. 2) Limiter la durée de l’intervention à tout le monde et dès le début. 3) Abolir la Commission politique et la discussion en petit comité qui exclut trop de fédéralistes du seul débat qui intéresse vraiment tout le monde, le débat politique. Les fédéralistes ne sont pas si nombreux, malheureusement, pour qu’il faille opérer une sélection préalable et tant soit peu arbitraire. Il faudrait seulement confier à deux ou trois membres la tâche d’accepter les résolutions politiques et de les passer au Congrès telles quelles — sauf le cas d’absurdité totale — pour la discussion finale.
b) Le vote final doit être de liste et cette liste doit être liée à une résolution politique. Pour garantir aux minorités le droit d’être représentées au Comité central il faut voter 10 noms sur 16 de chaque liste. Ce sera alors la proportionnelle pure qui fonctionnera.
 
 
3. — MOTION A PROPOS DU PROCHAIN
CONGRES DU M.F.E.
 
Le groupe d’Autonomie Fédéraliste, réuni à Bâle le 29 septembre, a examiné les problèmes qui vont se poser à l’occasion du prochain Congrès M.F.E.
Il remarque : a) que le Congrès ordinaire du M.F.E. doit fixer la ligne politique du Mouvement pendant deux années et renouveler en conséquence le Comité central ; b) que la discussion sur la Charte et la discussion sur une éventuelle réforme des Statuts, découlant de l’adoption d’une Charte, exigeraient un Congrès à elles-seules ; rappelle qu’on ne peut pas prendre des décisions si graves, engageant la vie du Mouvement tout entier, sans le consentement unanime ou quasi-unanime des adhérents ; demande par conséquent que soit convoqué le Congrès ordinaire uniquement pour fixer la ligne politique du Mouvement et pour renouveler le Comité central, et que soit convoqué un Congrès extraordinaire pour la discussion sur la Charte et sur une éventuelle réforme des Statuts.
 
 
4. —MOTION SUR LE PARTI
 
Autonomie Fédéraliste ne croit pas qu’il soit possible de parvenir à la Fédération Européenne par l’organisation et la stratégie du parti politique pour les raisons suivantes :
1) L’action essentielle des partis démocratiques est la participation aux élections nationales. Ils n’ont pas d’autre moyen pour acquérir du pouvoir. Mais le pouvoir en jeu dans les élections nationales est celui de gouverner les Etats. Et ce pouvoir, en droit et en fait, est celui de maintenir la division de l’Europe, non pas celui de l’unir.
2) Le pouvoir en jeu dans la lutte pour la Fédération Européenne est celui de décider sa fondation. Ce pouvoir a un caractère constituant et une dimension européenne. Pour tâcher de le faire émerger — il n’existe pas à l’heure actuelle en tant qu’institution — il faut canaliser les idéaux et les intérêts européens de nos concitoyens à l’échelon supranational. Mais cela n’est pas possible avec un parti, qui est forcé par la nécessité électorale elle-même de mobiliser ses forces dans les cadres nationaux et à des dates différentes.
Autonomie Fédéraliste redoute que les amis qui ont adopté la stratégie du parti ne puissent, à cause de sa faiblesse et de ses contradictions, perdre dans l’avenir la confiance dans la possibilité de continuer la lutte pour l’Europe, en finissant par se disperser comme cela est déjà arrivé. C’est pourquoi elle s’engage à faire tout son possible pour renforcer le M.F.E. en tant que Mouvement, de façon que ces amis puissent continuer leur lutte dans le Mouvement si le parti, comme elle le croit, fait faillite.
Finalement Autonomie Fédéraliste prie le Comité central de considérer le fait que les amis du parti élaboreront dorénavant la ligne politique de la lutte pour l’Europe dans leur Comité, tandis que tous les membres du M.F.E. sont tenus à respecter, à cet égard, les décisions de ses Congrès. Cela pose une grave difficulté statutaire qu’il faut affronter sans plus tarder pour éviter des difficultés majeures à l’avenir.
 

 

 

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