VI année, 1964, Numéro 2, Page 115
LE COMITE REGIONAL LOMBARD ET
Le Comité régional lombard, réuni le 6 septembre 1964, ayant examiné le problème de la constitution, de l’action et de la politique des comités du Front européen de renouvellement démocratique fédéraliste, observe :
1) Constitution des comités. On ne peut pas partir de la base parce que, dans l’état actuel des choses, il n’existe pas de courant spontané, composé d’éléments européistes des partis ainsi que de fédéralistes, susceptible d’agir efficacement sur l’opinion locale et de constituer effectivement ces comités. Si l’on pense d’autre part à les constituer au sommet afin d’obtenir une répercussion permettant de former des comités de base, on se trouve en présence du dilemme suivant : ou chercher les grands noms afin qu’ils possèdent une force d’attraction suffisante, et sacrifier la poussée européenne (parce que les grands noms ne peuvent pas faire passer la politique nationale au second plan), ou bien ne pas prendre de grands noms afin d’assumer une position véritablement européenne et supranationale, et perdre en force d’attraction.
D’autre part, en ce qui concerne l’Italie, il existe une difficulté particulière. Si l’on fait appel aux libéraux, les socialistes du P.S.I. ne viendront pas et si l’on appelle les socialistes du P.S.I., les libéraux s’abstiendront. Cela créerait des conditions de grave malaise pour les sections qui comptent souvent parmi leurs membres des gens inscrits à l’un ou à l’autre de ces partis. Etant donné le statut actuel, tant les uns que les autres ont le droit de faire partie du M.F.E. ; il s’ensuit que l’on ne peut pas former des comités qui seraient ouverts à de nombreux partis mais fermés au leur.[1]
2) Action des comités. Ni le Congrès de Montreux, ni le Comité central, ni le Bureau exécutif n’ont jusqu’à présent indiqué l’action que devraient mener ces comités une fois constitués. Et s’ils n’agissent pas, ils ne peuvent ni rester organisés, ni se battre, ni atteindre les buts pour lesquels il faudrait les constituer, à savoir contribuer à la naissance de la Fédération Européenne et au renouvellement de la démocratie.
3) Politique des comités. Ni le texte approuvé par la majorité à Montreux ni les documents élaborés par la suite ne prennent position quant aux choix politiques qui rendent actuellement la situation du problème européen dramatique ; ils ne sont donc en mesure d’entraîner personne.
Ceci dit, le Comité régional lombard demande au Comité central de répondre clairement aux problèmes d’actualité suivants, problèmes dont dépend la phase actuelle de l’intégration européenne :
1) Le M.F.E., dans l’état actuel de l’intégration européenne, est-il pour la plate-forme à six ou pour l’élargissement de cette plateforme à la Grande-Bretagne, puis à tous les autres pays qui la suivraient ?
2) Le M.F.E. est-il pour la force multilatérale atlantique ou pour une force nucléaire européenne indépendante et, dans ce cas, quelles sont les institutions politiques qu’il pense devoir être fondées pour contrôler cette force ?
3) Le M.F.E. croit-il qu’il faille diluer le Marché commun en une grande zone atlantique de libre-échange et d’intégration économique embryonnaire ? Si au contraire il veut conserver le Marché commun, quelle est la ceinture douanière protectrice qu’il pense que l’on devrait sauvegarder au cours des tractations du Kennedy Round ?
4) Le M.F.E. est-il pour le pouvoir constituant du peuple fédéral européen, ou croit-il au contraire que la forme de l’intégration européenne devra être choisie par les dirigeants nationaux, par les diplomates, par les technocrates européens et par quelques membres des Parlements nationaux, et imposée ensuite au peuple fédéral européen ? Se rend-il compte du fait que l’on ne peut pas convoquer le peuple fédéral européen (comme le prévoit le projet d’élections directes élaboré par ce que l’on a appelé le Parlement européen de Strasbourg) sans lui attribuer le pouvoir de choisir la forme de l’unité européenne, autrement dit sans lui attribuer le pouvoir constituant ?
Ceci dit, le Comité régional lombard observe enfin que ce n’est qu’en donnant les réponses justes à ces problèmes et en résolvant en même temps le problème de l’action afin que nos thèses trouvent audience, que nous pourrons réunir tant des forces que des personnes, que nous pourrons constituer une force politique et nous acquitter des devoirs que nous avons assumés au nom du fédéralisme en cette crise de l’intégration européenne dont l’incertitude des relations franco-allemandes révèle la gravité.
* La majorité du M.F.E., après avoir admis au cours de la première réunion du Comité central ayant eu lieu après le Congrès de Montreux, que sa politique, basée sur le Front européen de renouvellement démocratique fédéraliste, n’était pas encore élaborée au point de permettre de constituer ce Front, sans doute effrayée par notre accusation d’hétérogénéité et d’immobilisme, a quand même essayé, dans plusieurs circulaires du Secrétariat et du Bureau exécutif, de donner des directives pour la création de comités locaux de ce Front.
Le Comité régional lombard les a examinées et, à la suite de cet examen, il a voté, à l’unanimité moins une abstention, la résolution ci-dessus, présentée par Autonomie Fédéraliste.
[1] Nous nous sommes limités ici à mettre en évidence cet aspect du problème de la constitution des comités du Front pour l’Italie seulement. Cependant il va de soi que la même difficulté se présente tant en France (gaullistes, antigaullistes etc…) qu’en Allemagne (bien que sous une forme atténuée) et ailleurs.