VI année, 1964, Numéro 2, Page 112
A TOUTES LES ORGANISATIONS LIBRES D’EUROPE !*
Les fédéralistes vous rappellent que l’unité européenne, idéal millénaire des plus grands esprits européens, but de ceux qui cherchèrent et de ceux qui cherchent encore à déraciner à jamais le nationalisme, symbole de la volonté de résister, avec la protection américaine, à la tentative de Staline d’asservir tous les Européens, cadre enfin, ces dernières années, du progrès économique, est sur le point de se réaliser. La meilleure preuve en est que les Etats du Marché commun, qui sont les plus avancés sur la voie de l’intégration, sont désormais obligés d’affronter sur le plan supranational les problèmes capitaux de l’économie et de la défense, et il va de soi qu’il s’agit là de problèmes qui ne peuvent pas être résolus démocratiquement et efficacement sans un gouvernement européen.
Les fédéralistes vous rappellent en outre que la fondation d’un gouvernement européen est nécessaire. Le Pacte atlantique arrivera à son terme en 1969. Une fois ce lien disparu, il ne restera qu’un moyen pour empêcher à la fois la reprise et la consolidation des nationalismes français, italien et allemand ainsi que leur prétention de rivaliser avec l’Amérique du Nord : l’« association sur la base de la pleine égalité » entre l’Europe unie et les Etats-Unis d’Amérique souhaitée par Kennedy. Mais les gouvernements nationaux ne pourront pas traiter d’égal à égal, au nom de l’Europe, avec le gouvernement américain. Seul un gouvernement européen pourra le faire. En même temps la période transitoire du Marché commun touchera à son terme. Le problème de l’organisation définitive du marché européen se posera donc, sans délai possible. Il ne fait pas de doute que cette tâche aussi ne pourra être affrontée que par un gouvernement européen.
Enfin les fédéralistes vous rappellent que la fondation d’un gouvernement européen est possible. L’agriculture, l’industrie et le commerce y sont en grande partie favorables. Presque tous les syndicats le sont également. Et la population l’est elle aussi. Il suffit donc, pour aboutir à un gouvernement européen, de confier aux Européens eux-mêmes la solution du problème européen.
A partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, toutes les étapes intermédiaires ont été franchies. Il ne manque plus qu’un seul anneau à la chaîne, à savoir l’intervention directe du peuple dans la construction de l’Europe. Pour cela il faut deux choses. Sur le plan politique il s’agit d’admettre, en accord avec le principe démocratique, que le droit de choisir le régime politique de l’unité européenne revient au peuple et non pas aux gouvernements, et par conséquent de reconnaître le pouvoir constituant du peuple en question, le peuple des nations européennes, le peuple fédéral européen. Sur le plan de l’organisation il s’agit de développer, par le seul moyen dont on peut disposer au commencement, la signature d’une fiche, la campagne pour aligner tous les Européens sur la position du pouvoir constituant du peuple fédéral européen. De la sorte, au fur et à mesure qu’augmentera le nombre des adhérents, grandira la force de la revendication de la Constituante. Cette campagne doit être ouverte à tous, sans aucune discrimination nationale ou de parti. Pour cette raison elle ne peut être organisée ni par les gouvernements, qui ne sont en mesure de mobiliser que leur concitoyens ; ni par les partis, qui ne sont en mesure de mobiliser que leur sympathisants, mais seulement par un mouvement supranational.
Les fédéralistes ont mis au point le mécanisme d’une campagne de ce genre — le Recensement Volontaire du Peuple Fédéral Européen — et ils vous invitent, en votre qualité d’organisations représentant les points de vue religieux, culturels, politiques et syndicaux de la liberté européenne, à participer à son organisation et à sa diffusion.
Cette campagne est à la portée de tous. Elle ne nécessite aucune dépense puisqu’elle est financée par la population elle-même. Elle n’est en contradiction ni avec les idéaux de quelque groupe que ce soit au sein duquel se manifeste d’une façon authentique la civilisation européenne, ni avec les fins ultimes d’aucun parti ou groupe politique démocratique. Elle n’implique que l’acceptation du but commun à tous les hommes libres, à savoir le progrès sur la voie de la liberté, de la paix, de la justice et de la fraternité avec tous les peuples du monde.
Organisations libres d’Europe !
En mettant en œuvre cette campagne les fédéralistes ont rempli leur fonction et fait leur devoir. A vous de faire le vôtre, en la soutenant, en y participant, en la faisant connaître ! Il n’y faut que de la bonne volonté. C’est pourquoi tout refus, toute hésitation, finiraient par représenter une prise de position contre la démocratie, contre le pouvoir constituant du Peuple Fédéral Européen.
Organisations libres d’Europe !
Une fois constitué un premier noyau fédéral, la fédération, à cause de son caractère ouvert, s’étendra à toute l’Europe et permettra aux Européens de construire une société plus libre, plus juste, plus apte à contribuer au développement des pays du Tiers Monde et à la paix mondiale.
Les étapes intermédiaires ayant été parcourues, le temps des doutes et des incertitudes est révolu. Peut-être l’invitation à mobiliser le Peuple Fédéral Européen par un recensement volontaire fait-elle naître des hésitations, mais il n’y a pas de doute qu’un dessein nouveau, tel que celui de l’Etat fédéral européen, exige une entreprise nouvelle.
Nous vous invitons à l’action !
* Voici le texte approuvé à la réunion internationale d’Autonomie Fédéraliste du 28 juin 1964, au cours de laquelle a été prise la décision d’inviter dès à présent toutes les organisations libres d’Europe à participer au développement du Recensement volontaire du peuple fédéral européen. Il constitue la définition des rapports du Recensement lui-même avec toutes les autres organisations, y compris les partis politiques.