IV année, 1962, Numéro 1, Page 116
Gibt es ein deutsches Geschichtsbild ?, Studien und Berichte der Katholischen Akademie in Bayern, Vol. 14, Echter-Verlag, Würzburg 1961.
Le livre est un recueil des rapports présentés au congrès de l’Académie catholique bavaroise, qui s’est tenu en mai 1960 à Würzburg pour traiter du thème suivant : « Existe-t-il un cadre historique allemand ? ». Les titres des différents essais renseignent déjà sur le contenu de l’ouvrage. Le recueil débute par un essai intéressant d’Alain Clément, correspondant du journal « le Monde » à Bonn, qui a pour titre : « La conscience historique allemande vue par un observateur étranger ». Clément s’arrête un instant sur le risque méthodologique qu’il y a de rechercher un cadre historique autonome, qui ne pouvant être que l’interprète d’une réalité historique artificiellement limitée, contient, nécessairement, une perspective erronée. Aussi Clément met-il davantage l’accent sur la multiplicité que sur le caractère unitaire du cadre historique allemand, et conclut-il qu’il n’existe pas de cadre allemand, alors qu’il existe un cadre historique français. Le refus d’un cadre historique allemand n’amène cependant pas Clément à rechercher un schéma d’interprétation de la réalité historique européenne — non limité par la perspective allemande — et c’est pour cela que le rôle joué par l’Allemagne dans l’histoire européenne récente n’est pas mis en valeur dans son essai.
« La période nationale-socialiste dans la conscience historique du présent », tel est le titre de l’essai suivant, écrit par Hans Buchheim de l’Institut für Zeitgeschichte de Munich. L’analyse de Buchheim, bien documentée et complète — et, de ce fait, elle offre un intérêt à qui veut connaître les états d’âme qui dominaient dans l’Allemagne de l’après-guerre — ne dépasse que rarement le stade de la pure documentation et, lorsqu’il hasarde une interprétation, il tombe dans un schéma d’explication par la nation. L’essai suivant : « La continuité de l’histoire germano-prussienne, 1640-1945 », qui sera publié dans le prochain fascicule du Fédéraliste, grâce à une aimable autorisation de Ludwig Dehio, nous révèle comment le particulier qui caractérise l’histoire allemande n’apparaît clairement que lorsque l’historien considère le système européen des Etats, milieu dans lequel la Prusse a pu se hausser au rang de puissance européenne, puis le Reich à celui de puissance hégémonique. Dans un tel cadre prend de l’importance ce qui est commun à Frédéric le Grand, Bismarck, Hitler, c’est-à-dire leur esprit prussien de puissance et d’organisation qui a pu naître, se développer et s’imposer dans le système européen, et qui avec la fin de Hitler en 1945 a disparu définitivement.
Viennent ensuite deux essais dont l’intérêt n’est pas moins grand : le premier de Theodor Schieder, de l’Université de Cologne intitulé « L’Empire allemand de 1871 comme état national » ; le second « L’idée d’état national en Allemagne au XIX et XX siècle » est de Karl Buchheim, de l’Université de Munich.
L’absence d’une définition explicite du concept de nation fait qu’on n’a que très vaguement défini l’objet de ces deux études : l’état national. Ce défaut diminue la valeur théorique du développement, qui offre toutefois une matière à réflexion considérable. On peut dire même que dans l’essai de Schieder les pages qui se réfèrent à la linguistique politique du Reich et à la pensée de Herder suggèrent, car elles l’effleurent, la distinction entre « nationalité spontanée » et « nationalité forgée par l’Etat ». Cette distinction du reste, qui est à la base d’une définition positive de l’idée de nation, est aussi contenue dans l’étude de Karl Buchheim, qui montre comment l’idée de nation fut étrangère à la tradition allemande, typiquement. pluraliste et de toute façon non identifiable avec un contexte précis ethnique et territorial, et comment cette idée de nation ne s'est posée que très tard avec l'affirmation du Reich.
Alessandro Cavalli