XIV année, 1972, Numéro 4, Page 201
LE XIIIe CONGRES DU M.F.E.
Du 6 au 9 avril 1972 s’est déroulé à Nancy le XIIIe congrès du M.F.E. A l’ordre du jour, outre une table ronde sur le thème « L’Europe pour quoi faire et comment ? » et la discussion du rapport politique du président du Bureau exécutif, figurait la discussion du projet d’unification entre le M.F.E. et l’A.E.F.
Le Fédéraliste publie ici le rapport présenté par Bernard Barthalay à la table ronde ; le rapport écrit communiqué aux délégués avant le congrès par le président du Bureau exécutif, Mario Albertini, et le résumé de son intervention à la tribune. Le Fédéraliste publie en outre les documents approuvés par le congrès, à savoir : la résolution de politique générale, la résolution sur les dictatures méditerranéennes, la déclaration approuvée par le M.F.E. comme contribution historico-idéale à l’organisation qui naîtra de l’unification et enfin le texte de l’accord d’unification A.E.F.-M.F.E.
ACCORD D’UNIFICATION A.E.F.-M.F.E.
Le Centre d’Action Européenne Fédéraliste (A.E.F.), par son Comité Fédéral réuni à Nancy le 7 avril 1972 et
le Mouvement Fédéraliste Européen (M.F.E.), par son Congrès réuni à Nancy les 8 et 9 avril 1972
Reconnaissant l’urgente nécessité du renforcement et de la réorganisation, par une meilleure concentration de leurs efforts sur le plan européen, des groupes de citoyens qui militent pour une Fédération démocratique européenne ;
Désireux de mettre un terme à la division entre organisations fédéralistes européennes rivales comme à la concurrence envers le Mouvement Européen qui les rassemble ;
Ont convenu, tout en souhaitant que l’ensemble de leurs organisations adhérentes actuelles fassent de même, d’inviter tous les fédéralistes européens dans une nouvelle organisation européenne démocratique et décentralisée, qui soit fondée sur le respect des disparités historiques, culturelles et politiques dans les divers pays et régions d’Europe, et dont l’ambition est de rassembler et d’organiser sur le plan européen l’ensemble des adhérents individuels du Mouvement Européen.
A cet effet, souscrivent une Déclaration sur la Fédération européenne et adoptent les dispositions générales sur les structures de la nouvelle organisation et les principes des dispositions statutaires ou réglementaires qui la régiront, sur les dispositions transitoires pour la mise en place de ces structures ainsi que sur l’interprétation du présent document.
I. Déclaration sur la Fédération Européenne.
1. — Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, due au morcellement politique de l’Europe, Robert Schuman, en proposant la première Communauté européenne, après les tentatives du Conseil de l’Europe, ouvrait la voie qui, selon son propos, devait conduire à la Fédération européenne.
2. — On en est encore loin, malgré les progrès que représentent la réconciliation entre nations d’Europe, des institutions originales encore insuffisantes mais susceptibles d’enrichissement, la création, grâce à elles, d’un vaste marché qui fut la source d’un développement économique sans précédent et si évident que quatre pays, dont la Grande Bretagne longtemps réticente, ont fini par s’y joindre.
3. — Ces adhésions nouvelles doivent donner le signal de progrès résolus, décisifs et rapides. Car le temps presse. Un monde nouveau, fait d’autant de périls que d’espoirs, se détache des réalités d’hier.
4. — Les Etats-Unis qui ont conquis tant de positions clefs dans l’économie mondiale, accumulent aujourd’hui des dettes à vue équivalent à six fois leurs réserves, qui sont bloquées. L’équilibre des forces se négocie entre les Etats-Unis et l’U.R.S.S. sans consultation réelle de leurs alliés ou satellites. La défense de l’Occident, dont la présence de troupes américaines en Allemagne reste le pivot, est incertaine. La sécurité en Méditerranée est problématique. La Chine mystérieuse, objet de crainte pour l’U.R.S.S. et si longtemps d’ostracisme par les Etats-Unis, pèse à nouveau dans le concert universel. L’abîme entre pays industriels et pays démunis ne cesse de grandir. Partout, et de tous bords, on conteste la société, ses structures, ses valeurs.
5. — Face à ce monde effervescent, les Européens demeurent divisés. Créateurs de la civilisation moderne, formant par leur nombre, par leur culture, par le volume de leur commerce extérieur, un ensemble plus imposant que les Etats-Unis d’Amérique ou l’U.R.S.S., ils se comportent pourtant, en matière de relations extérieures, de défense, d’armements, de monnaie comme ils se comportaient il y a un siècle.
6. — C’est que leurs gouvernements, aveuglés par un égoïsme à courte vue, agités de grandeurs et de prestiges surannés, s’obstinent à méconnaître que, dans ces matières, pour des pays de dimensions médiocres, et dans ce dernier tiers du 20e siècle, la souveraineté nationale de jadis est devenue la vanité des vanités. Du même coup, cramponnés à l’ombre de pouvoirs dont la réalité leur échappe, mais souvent d’autant plus jaloux de collectivités placées en dessous d’eux, dont ils usurpent l’autorité sans qu’elles y gagnent en efficacité, ils privent l’ensemble des citoyens d’Europe de la réalité de leur participation et laissent ainsi travestir la démocratie.
7. — La Fédération européenne est la seule réponse à ces défis de l’histoire contemporaine.
8. — Elle est le seul projet, proposé aux peuples d’Europe depuis 25 ans, qui soit à la fois assez réaliste et assez ambitieux pour leur permettre de reconstruire leur société démocratique tout en remplissant leurs devoirs envers eux-mêmes comme envers le monde extérieur.
9. — La tâche est imposante : développer le progrès économique en Europe tout en assurant la justice sociale à tous les citoyens, en réduisant les inégalités flagrantes entre les diverses régions et en préservant leur diversité et leurs libertés qui sont une des richesses de l’Europe ; construire une technologie européenne pour résister aux dangers de colonisation ; créer une monnaie européenne face au dollar inconvertible et défaillant ; contribuer à l’organisation de la sécurité de l’Europe, de la paix mondiale et d’un ordre universel de justice entre les peuples par le dialogue sur un pied d’égalité avec les superpuissances, ainsi que par la coopération généreuse et dégagée des intérêts nationaux avec les pays en voie de développement.
10. — Une telle action politique, en Europe et dans le monde, implique tout autre chose que des accords toujours révocables entre gouvernements ou qu’une confédération qui n’est que faux semblant. Elle requiert l’attribution à un gouvernement fédéral européen de pouvoirs de décision limités mais réels et s’imposant à tous les Etats sans veto d’aucun d’eux.
11. — Quelle qu’en soit la forme, ce gouvernement devra être démocratiquement désigné et démocratiquement contrôlé par un Parlement fédéral européen issu du suffrage direct de tous les citoyens d’Europe. Car ceux-ci ont le droit de décider librement et à tous les niveaux de leur propre destin. Mais ils doivent le revendiquer sans cesse pour contraindre les gouvernements qui, trahissant leurs engagements depuis 15 ans, leur refusent l’élection au suffrage universel direct des membres du Parlement de la Communauté européenne.
12. — Tel est le sens du combat que, dans l’unité, les Fédéralistes Européens entendent continuer irrésistiblement et renforcer.
13. — Ils en appellent à tous les citoyens d’Europe pour qu’ils rejoignent leurs rangs et concourent à la préfiguration d’une vie démocratique européenne nouvelle.
14. — Il est nécessaire, il est urgent d’unir indissolublement les Etats et les peuples d’Europe en une véritable Fédération européenne.
II. Principes sur lesquels seront basées les dispositions statutaires ou réglementaires de la nouvelle organisation.
1. — La nouvelle organisation se compose de personnes physiques qui y adhèrent directement, moyennant une cotisation annuelle dont le montant peut être différent de la cotisation d’autres membres mais dont la part versée à l’échelon européen est uniforme et fixée par ce dernier.
2. — Sont en principe invités à adhérer à l’organisation nouvelle tous les membres individuels effectifs du M.F.E., tous les membres individuels effectifs des organisations de l’A.E.F., ainsi que tous les adhérents individuels des Conseils nationaux du Mouvement Européen.
3. — Les adhérents de la nouvelle organisation peuvent librement s’organiser au niveau local, au niveau régional et au niveau national pourvu qu’ils le fassent démocratiquement et sans aucune discrimination politique, idéologique ni philosophique. Tout échelon local ou régional de l’organisation définit sa structure interne sous réserve de l’approbation par l’échelon immédiatement supérieur. Il en est de même pour les échelons nationaux sous réserve de l’approbation par l’organe européen approprié.
4. — Les échelons locaux, régionaux et nationaux de l’organisation, intermédiaires organiques entre l’échelon européen de cette dernière et chacun des adhérents, ont pour tâche de renforcer la solidarité entre ceux-ci tout en leur permettant de constituer des centres autonomes d’action mettant en œuvre leur tactique propre dans la ligne politique définie par l’ensemble de l’organisation à son échelon européen.
5. — A son échelon européen, l’organisation nouvelle a pour organes :
— le Congrès,
— le Comité Fédéral (ou Comité Central),
— le Bureau,
— le Secrétariat exécutif,
— la Commission de Contrôle.
6. — Le Congrès est l’organe souverain de l’organisation. Il a les pouvoirs les plus étendus pour arrêter la politique de l’organisation et pour faire approuver tous les actes intéressant celle-ci. Il peut déléguer une partie de ses pouvoirs. Il exerce, à l’exclusion de tout autre, tous les pouvoirs pour approuver ou modifier les dispositions statutaires ou réglementaires. Il élit les membres du Comité Fédéral (ou Comité Central) parmi les adhérents de l’organisation.
Le Congrès se compose des délégués représentant l’ensemble des adhérents de l’organisation. Les délégués sont désignés démocratiquement par les échelons intermédiaires de l’organisation selon des modalités que chacun d’eux détermine sous réserve de l’approbation par l’échelon immédiatement supérieur.
Le nombre des délégués, calculé par pays indépendamment des modalités de leur désignation, est proportionnel au nombre d’adhérents de l’organisation dans le pays considéré et comprend en outre un nombre uniforme (par exemple : 4 délégués) par pays. Pour chaque session du Congrès, le Comité Fédéral (ou Comité Central) peut appliquer au nombre de délégués calculé sur ces bases un coefficient uniforme pour tous les pays.
Le Congrès se réunit tous les deux ans sur la convocation du Comité Fédéral (ou Comité Central). Celui-ci peut le convoquer lorsqu’il l’estime nécessaire.
Le Congrès statue à la majorité des suffrages exprimés sur tous les points de son ordre du jour sous réserve des dispositions de l’art. 11 relatives aux modifications des dispositions statutaires ou réglementaires.
7. — Le Comité Fédéral (ou Comité Central) dirige et représente l’organisation et assure la continuité de sa politique et de son action dans l’intervalle des sessions du Congrès. Il élit dans son sein les personnes responsables de l’organisation ainsi que les autres membres du Bureau. Il convoque le Congrès. Il peut déléguer partiellement ses pouvoirs au Bureau.
Les membres du Comité Fédéral (ou Comité Central) sont élus par le Congrès. Ils sont rééligibles.
8. — Le Bureau assure l’exécution des décisions prises par le Comité Fédéral (ou Comité Central) dont il prépare les réunions. Il est responsable devant ce dernier.
Il se compose des personnes responsables de l’organisation ainsi que d’autres personnes désignées par le Comité Fédéral (ou Comité Central).
9. — Le Secrétariat exécutif organise l’information mutuelle des membres et des organes intermédiaires de l’organisation dont il coordonne l’action. Il exécute les décisions des organes européens dont il assure le secrétariat. Il exerce ses attributions aussitôt que possible en union étroite avec le Secrétariat général international du Mouvement Européen ou, de préférence, en son sein.
10. — La Commission de Contrôle veille à l’application des dispositions statutaires ou réglementaires qu’elle interprète dans les cas particuliers, et arbitre tous conflits éventuels.
Ses membres sont désignées par le Comité Fédéral (ou Comité Central) en dehors des membres de ce dernier. La Commission de contrôle saisit le Comité Fédéral (ou Comité Central) de ses rapports. Elle est responsable devant lui.
11. — Aucune modification aux dispositions statutaires ou réglementaires ne pourra se faire que par le Congrès statuant à la majorité de deux tiers des délégués sur des propositions inscrites à son ordre du jour et distribuées à l’avance.
III. Dispositions transitoires pour la mise en place des organes de la nouvelle organisation.
1. — Compte-tenu des obligations statutaires actuelles des deux organisations signataires, la nouvelle organisation entrera en vigueur par la réunion d’un Congrès constitutif à l’issue d’une période transitoire d’une année au plus à compter du 10 avril 1972. Le Congrès constitutif sera composé conformément au projet de dispositions statutaires ou réglementaires de la nouvelle organisation. Il aura à approuver ce projet selon les modalités prévues dans celui-ci pour la modification des dispositions qu’il contient.
2. — Durant la période transitoire, les deux organisations signataires suspendront leur action propre ainsi que l’activité de leurs organes européens respectifs. Les organes provisoires chargés de préparer le Congrès constitutif sont :
— le Comité commun des fédéralistes européens,
— le Bureau provisoire,
— le Secrétariat provisoire.
3. — Le Comité commun des fédéralistes européens a, par délégation des organes statutaires respectifs des deux organisations signataires, tous le pouvoirs et ressources nécessaires pour définir l’action provisoire commune des deux organisations et pour préparer l’entrée en vigueur de la nouvelle organisation. Il prépare et approuve les projets de dispositions statutaires ou réglementaires qui seront soumis au Congrès constitutif. Il convoque ce dernier. Il prépare, en consultation avec les divers échelons respectifs des deux organisations, l’évolution vers l’unité entre leurs membres individuels et arbitre tous conflits éventuels. Il désigne en son sein les personnes provisoirement responsables ainsi que les autres membres du Bureau provisoire.
Il se compose de 25 personnes désignées par l’organe approprié de chacune des organisations signataires et de 10 personnes désignées par l’organe approprié établi par le Congrès constitutif de la J.E.F.
4. — Le Bureau provisoire veille à l’exécution des décisions du Comité commun des Fédéralistes européens qu’il convoque et dont il prépare les réunions.
Il se compose des personnes provisoirement responsables ainsi que d’autres personnes désignées par le Comité commun.
5. — Le Secrétariat provisoire exécute les décisions des organes provisoires dont il assure le secrétariat. Il organise l’information des échelons respectifs des deux organisations signataires et, éventuellement, de leurs adhérents individuels.
IV. Interprétation du présent document
Durant tout le cours de la période transitoire, l’interprétation du présent document est du ressort du Comité commun des Fédéralistes européens qui statuera à la majorité des deux tiers de ses membres.